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20/09/2011

Myret Zaki : « Le coup de grâce viendra des États-Unis »

 

Encore un entretien avec cette épatante journaliste économique suisse (je sais, je sais, d'origine égyptienne ; mais là, franchement, on s'en fout), que je découvre, cette fois, avec presque un mois de retard :

 

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Pour la journaliste genevoise, l’effondrement du système financier américain achèvera les économies occidentales. Un krach dont l’Europe sortira renforcée. Etranglée par le franc fort, la Suisse n’aura d’autre choix que rallier l’UE.

Christian Rappaz : « L’Occident est-il en faillite ? » Un titre racoleur ou reflet de la réalité ?

Myret Zaki : Tous les pays du G7 affichent un taux d’endettement équivalent ou supérieur à 100 % de leur PIB, se révèlent incapables de rembourser leurs dettes et de payer les retraites à leur population. Faillite est donc bien le terme approprié.

Va-t-on assister à une cascade de défauts de paiements des Etats, y compris des Etats-Unis ?

Nous allons assister à la faillite des Etats-Unis, pas de l’Europe. Celle-ci, on ne le dit pas assez, reste la première puissance commerciale du monde, devant la Chine. Je sais que cela peut paraître iconoclaste au moment où tous les regards sont braqués sur la Grèce, le Portugal, l’Italie ou l’Espagne, mais contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, l’effondrement du système monétaire américain reste le plus grand péril planant sur le monde. A mon avis, celui-ci se produira au plus tôt dans les mois qui viennent, au plus tard en 2014.

Après les pays du sud de l’Europe, c’est pourtant la France qui est dans la tourmente…

Simple manœuvre de diversion de la part de spéculateurs maîtres en manipulation. Un coup classique, déjà éprouvé contre la Grèce : on se positionne à la baisse en Bourse, on fait courir des rumeurs propres à semer la panique sur les marchés puis on encaisse les bénéfices. Autre avantage du stratagème, pendant que le monde est au chevet de la France et de l’Europe, pourtant beaucoup plus solvables que les Etats-Unis, ces derniers continuent à se financer à bon marché et à détourner l’attention de leur désastre financier.

Vous ne croyez pas à l’effondrement de l’Europe ?

Pas une seconde. Quiconque spéculerait sur une faillite de la zone euro perdrait son temps. L’épargne est importante en Europe, qui profite également du soutien des banques centrales asiatiques, chinoise en particulier. Le pari à faire est au contraire une vente à découvert contre tous les marchés en dollars.

Les Américains accusent pourtant l’Europe de tous les maux actuels…

Beaucoup de gens croient naïvement que les deux blocs sont amis et solidaires. C’est une illusion. La guerre économique fait rage et discréditer l’euro au profit du dollar, devenu une monnaie de singe pourtant, fait partie de la stratégie des Etats-Unis, dont dépend leur solvabilité. L’autre consiste à tromper les investisseurs pour cacher la situation désastreuse du pays. Mais ce déni ne durera pas éternellement.

Tromper ?

Les Etats-Unis estiment leur dette souveraine à 14.500 milliards de dollars. Avec l’endettement des ménages, elle culmine en réalité à 60.000 milliards et même à 200.000 milliards en tenant compte du déficit fiscal à long terme. Annoncé à 9,1 %, le chômage dépasse allégrement les 20 % si l’on inclut les chômeurs découragés de longue durée. On estime à 45 millions le nombre d’Américains dont les logements auront été saisis au terme de cinq ans de crise immobilière. Ces gens sont sortis du circuit économique. Enfin, l’inflation est donnée à 1,3 % alors que les économistes critiques l’évaluent autour de 5 %.

Barak Obama se vante pourtant du succès que connaissent les nouvelles émissions de bons du Trésor sur la dette malgré la perte de la note triple A des Etats-Unis…

Que peut faire le président d’un pays en défaut ? Critiquer les agences de notation, mettre en doute leurs calculs, nier les évidences, répéter que son pays reste le meilleur, faire du marketing en somme. Pour moi, c’est une tactique du désespoir. La vérité est moins romantique. Grâce à sa planche à billets, c’est la Réserve fédérale américaine elle-même (Fed), qui se rue sur les bons du Trésor américain. De 800 milliards de dollars en 2006, le passif de la Fed approche 3.000 milliards aujourd’hui. Bientôt, cette machine infernale s’arrêtera et, avec elle, la supercherie. A la seconde même, les taux de la dette souveraine exploseront, provoquant la strangulation financière du pays.

Une banqueroute qui emportera forcément l’Europe avec elle ?

Dans un premier temps. Mais l’Europe sortira grandie de ce krach. Contrairement aux Etats-Unis, qui n’ont aucun plan budgétaire crédible, l’Europe met en vigueur des mesures d’austérité. Elle est aussi beaucoup mieux positionnée sur les marchés des pays émergents, les seuls à créer de la croissance.

A vous entendre, c’est la fin de l’empire américain ?

Un empire qui n’a plus les moyens de préparer une opération militaire d’envergure n’est plus un empire. Les Etats-Unis vont perdre leur statut de super puissance et le dollar, celui de monnaie de référence. Bientôt ramené à la valeur d’un billet de Monopoly, le billet vert ne connaîtra plus d’appréciation durable. N’en déplaise aux économistes genevois, qui n’aiment pas cette idée, les pays dotés de monnaies fortes deviendront la nouvelle référence, dans un monde multipolaire et multimonétaire.

Et la Suisse dans tout ça ?

La hausse structurelle du franc continuera à pénaliser son économie et l’adhésion à l’Union européenne apparaîtra comme la seule façon de résoudre le problème à long terme. Si l’Angleterre, engluée en raison de sa propre crise avec sa livre sterling, franchit le pas, ce ne sera alors qu’une question de temps pour que la Suisse suive.

Source

11/09/2011

« La guerre mondiale actuelle oppose les Etats-Unis et l’Europe »

La stratégie du tapis de bombes

 

C'est Myret Zaki qui le dit.

Et elle l'explique :

« (...) Guerre contre les paradis fiscaux d’Europe (qui ont tous cédé la place aux paradis fiscaux anglo-saxons), guerre monétaire contre l’euro (qui a bien failli voler en éclats), guerre spéculative généralisée contre la dette des Etats européens (qui a mis fortement à mal l’idée même d’Europe). Le gagnant aurait fatalement dû être les Etats-Unis. La seule donne incontrôlable fut le soutien important et régulier apporté par la Chine  - et dans une moindre mesure par la Russie - à l’euro et aux obligations de la zone. Sinon, l’Europe était peut-être déjà enterrée en 2010.

Peu d’entre nous acceptent l’idée que les "alliés" historiques que sont les Etats-Unis et l’Europe soient en guerre pour leur survie. Mais le 29 août, une langue s’est déliée. Celle de Laurence Parisot, présidente du Medef en France : "On a assisté à une sorte de guerre psychologique et à une tentative de déstabilisation de la zone euro", a-t-elle déclaré au Figaro, parlant d’une "orchestration" américaine des rumeurs sur les difficultés européennes, et faisant particulièrement allusion aux rumeurs infondées qui ont mis en péril la Société Générale. En outre, l’Allemagne a déjà évoqué ces tensions, en appelant (en vain) à la réglementation des stratégies et des dérivés utilisés par les spéculateurs, et à l’instauration d’agences de notation européennes, histoire de mettre fin au "deux poids, deux mesures". Il est naïf de croire à l’objectivité de l’information économique. On se contente de comparer les deux zones sur la base de leurs ratios d’endettement et des cours/bénéfices, comme si les avantages d’investir ici ou là reposaient uniquement sur des critères techniques. Or, les avantages d’un marché peuvent être créés artificiellement par un gouvernement interventionniste agissant de concert avec un puissant secteur financier, comme c’est le cas aux Etats-Unis. Le marché n’est pas objectif, il est orienté par de gros intérêts stratégiques, tiré par des "rumeurs" délibérées, et il a derrière lui toute la puissance de manipulation des Etats concernés. Un investisseur qui ignore cet élément ignore une information essentielle.

C’est simple. La solvabilité des Etats-Unis repose, aujourd’hui, sur l’échec de l’Europe. Cette "guerre" a apporté de colossaux bénéfices à Washington. Les taux à 10 et 30 ans américains, c’est-à-dire le coût de financement du gouvernement, n’ont jamais été aussi bon marché, malgré l’explosion du risque lié à l’endettement du pays. Et ce, grâce au report massif des investisseurs paniqués par la situation en Europe. (...) »

13/07/2011

De la bulle des produits dérivés au pouvoir des spéculateurs

En rouge : évolution du montant "notionnel" des produits dérivés détenus par les banques des USA

En bleu : évolution du PIB des USA

(en milliers de milliards de dollars)

 

Myret Zaki, bien connue des lecteurs de ce blog, a le sens de la formule.

Elle écrit, je cite : « les spéculateurs en dette souveraine sont les vrais patrons des petits pays endettés ». Elle termine son article en évoquant le marché des produits dérivés, pour rappeler qu'il est devenu un « outil redoutable de paris sur la dette souveraine et privée ».

Gilles Bonafi, mieux connu, lui, des lecteurs de Fortune, précise que « 243.991 milliards de dollars de produits dérivés [sont] détenus par 4 banques aux USA (...) à comparer avec les 65.000 milliards du PIB de la planète. (...) ils ont augmenté de 12.810 milliards de dollars au premier trimestre 2011 », soit « 113% d'augmentation [par rapport au trimestre précédent], un chiffre qui a du mal à coller à la réalité économique » !

La Grèce et l'Italie sont en difficultés, nous dit-on partout... Partout ? Ouais, partout où on ne vous parle (pas comme ça, en tout cas) ni de produits dérivés, ni de spéculation. Comme par hasard.

Evoquons juste les gros médias français. Ils sont très largement aux ordres du capital : Libération (Rothschild), Le Monde (Bergé-Pigasse-Niel), Le Figaro (Dassault), Le Nouvel Obs (Perdriel), Le Point (Pinault), Les Echos et La Tribune (LVMH), Le Parisien (Amaury), TF1 (Bouygues), Canal + (Vivendi), M6-RTL (Bertelsmann), Europe 1 (Lagardère), etc.

Conclusion : le discours suit l'intérêt. Donc, il faut aller se renseigner en priorité auprès des médias qui n'ont pas d'intérêts capitalistiques, avant, par recoupements et discrimination, de faire le tri entre les faits et les affabulations.

11/05/2011

Trucages anglosphériques (suite)

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Pas encore...

 

Je vous ai déjà parlé de la manipulation du marché des dettes souveraines par l'anglosphère, dénoncée par Pierre Jovanovic.

Cette fois, c'est l'excellente Myret Zaki qui vous explique une partie du truc :

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La dette souveraine manipulée par les CDS

Le marché des CDS a le même pouvoir qu’une agence de notation : il peut dégrader de facto la note d’un pays, en dictant son niveau de risque.

Il y a quelques jours, le « marché » (c’est-à-dire les investisseurs) a décidé que le risque de la dette grecque à deux ans méritait un taux d’intérêt astronomique de plus de 25 %. La zone euro n’a d’autre choix que de revoir les conditions de l’aide (de 110 milliards d’euros) accordée à Athènes. On revit la même situation depuis 2010, dans laquelle c’est le marché des CDS (dérivés sur le risque de défaut de crédit) qui définit presque à lui seul la solvabilité des pays périphériques d’Europe, les agences de notation se cantonnant de plus en plus à entériner par une mauvaise note un état de fait que les CDS avaient déjà favorisé en amplifiant le risque de l’obligation souveraine qu’ils ciblent. Ceci est particulièrement vrai dans le cas de la Grèce, où des banques d’affaires comme Goldman Sachs (conseillère financière d’Athènes) et certains hedge funds clients de la banque étaient au courant d’informations dont les agences de rating sont habituellement les premières à disposer.

Un pouvoir démesuré sur le coût de financement des pays

Est-il normal que la qualité de crédit et, in fine, le destin d’une nation de plusieurs millions d’habitants, soient décidés par un marché aussi opaque et dominé par un si petit nombre d’acteurs que celui des CDS ? C’est pourtant bel et bien la tendance révélée par la crise de la dette de l’Europe périphérique. A travers l’attaque ciblée d’une dette souveraine comme celle de la Grèce, de l’Irlande ou du Portugal, qui fait monter en flèche le coût de financement de ces dernières en faisant chuter la valeur des obligations, le marché des CDS a le pouvoir de rétrograder de facto cette même dette, pour lui conférer un statut spéculatif, se substituant ainsi aux agences de notation. Et cette mesure du risque que sont les taux des CDS (ou plus précisément leur écart par rapport aux taux sans risque comme celui du Bund allemand) décidée par un marché privé jouit aujourd’hui de la même crédibilité, aux yeux des investisseurs, que celle des agences de notation. Et pourtant, il existe une différence majeure entre CDS et agences de rating : tandis que les agences - malgré les manquements que l’on sait - prétendent à un travail objectif qui sert à la fois la communauté des investisseurs et le gouvernement du pays concerné, et qu’une rétrogradation n’a pas pour but de permettre à ces agences d’engranger des profits démesurés, il en va tout autrement des spéculateurs du marché.

Les traders de CDS agissent clairement en vue d’un profit, et ont à leur disposition un outil facilitant largement la manipulation des marchés obligataires, en suivant le principe qu’une prophétie (ou rumeur) qu’ils lancent va s’auto-réaliser pour leur plus grand avantage. Malgré cette différence de buts, les protagonistes des marchés de la « spec » ont aujourd’hui autant de pouvoir sur la perception des investisseurs que les agences de notation. En réalité, les spreads des CDS et les notations des agences agissent de concert, et leur effet crée en soi un risque de déstabilisation des marchés financiers, qui sont aujourd’hui très interdépendants, comme l’explique le FMI dans un papier de recherche récent. Et ce n’est pas seulement la solvabilité du pays qui est en jeu. Rétrograder la dette souveraine d’un pays donné peut affecter la rentabilité de banques basées dans d’autres pays, qui la détiennent dans leurs books de négoce et aussi de crédit. C’est encore plus vrai dans le cas spécifique de l’Europe, où les engagements croisés entre banques de différents pays rendent la courroie de transmission bancaire vulnérable à la détérioration de crédit d’un seul de ses pays membres.

Les chercheurs du FMI expliquent dans le papier précité que les CDS jouent un rôle clé dans la propagation du risque systémique posé par l’abaissement d’un rating souverain par une agence de notation. Selon le FMI, « les annonces des agences de notation concernant la dette souveraine de pays comme la Grèce, surtout lorsqu’il s’agit d’un abaissement au statut de dette spéculative, peuvent entraîner des effets domino considérables d’un pays et d’un marché à l’autre et peuvent être elles-mêmes à l’origine d’une instabilité financière de type systémique ». Ainsi, le FMI calcule qu’une rétrogradation de la note de la Grèce provoque un écartement du spread (soit une hausse du risque de la dette) de 17 points de base (pb) pour la Grèce, et que le même abaissement provoque aussi une montée de 5 pb du spread sur la dette irlandaise, et ce même si le rating de l’Irlande est resté inchangé. Une spirale infernale.

Source : Bilan.ch

22/04/2011

« L'économie des Etats-Unis, une vaste illusion »

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World Trade Center, New York, 14 septembre 2001

 

La presse suisse est décidément bien plus intéressante que la presse française... Citation :

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Le billet vert est devenu la plus grande bulle spéculative de l’histoire et va s'effondrer prochainement. Quant aux attaques à l’encontre de l’euro, elles ne sont qu’un écran de fumée pour masquer la faillite de l’économie américaine, soutient Myret Zaki dans son dernier livre.

« Un krach du billet vert se prépare. Il est inévitable. Le principal risque planétaire actuel, c’est une crise de la dette souveraine américaine. La plus grande économie du monde n’est plus qu’une vaste illusion. Pour produire 14.000 milliards de revenu national (PIB), les Etats-Unis ont généré plus de 50.000 milliards de dette totale, qui leur coûte 4.000 milliards d’intérêts par an ».
 
Le ton est donné. Tout au long des 223 pages de son nouveau livre, la journaliste Myret Zaki se lance dans un réquisitoire impitoyable à l’encontre du dollar et de l’économie américaine, qu’elle juge « techniquement en faillite ».
 
Devenue en quelques années l’un des écrivains économiques les plus réputés de Suisse – elle s’était déjà penchée dans ses précédents ouvrages sur la débâcle américaine d’UBS et la guerre commerciale sur le marché de l’évasion fiscale - Myret Zaki soutient la thèse d’une attaque contre l’euro pour faire diversion sur la gravité du cas américain. Interview.

swissinfo.ch : Vous affirmez que le krach de la dette américaine et la fin du dollar comme monnaie de réserve internationale sera l’événement majeur du XXIe siècle. Ne versez-vous pas dans un certain catastrophisme ?

Myret Zaki :  En annonçant un événement d’une telle ampleur alors que les signes d’une crise violente ne sont pas encore tangibles, je conçois que cela puisse paraître catastrophiste. Pourtant, je ne me base que sur des critères extrêmement rationnels et factuels. De plus en plus d’auteurs américains estiment que la dérive de la politique monétaire américaine mènera inévitablement à un tel scénario. Il est tout simplement impossible que cela se passe autrement.

swissinfo.ch : Pourtant, ce constat n’est de loin pas partagé par une majorité d’économistes. Pourquoi ?

M.Z. : C’est vrai. Il existe une sorte de conspiration du silence, car énormément d’intérêts sont liés au dollar. La gigantesque industrie de l’asset management (investissement)  et des hedge funds (fonds spéculatifs) repose sur le dollar. A cela s’ajoutent des intérêts politiques évidents. Si le dollar ne maintient pas son statut de monnaie de réserve internationale, les agences de notation pourraient rapidement ôter à la dette américaine sa notation maximale. A partir de là s’engagera un cercle vicieux qui va révéler la réalité de l’économie américaine. Il s’agit de maintenir les apparences à tout prix, même si le vernis ne correspond plus du tout à la réalité.

swissinfo.ch : Ce n’est pas la première fois qu’on annonce la fin du dollar. En quoi les choses sont-elles différentes en 2011 ?

M.Z. : La fin du dollar est effectivement annoncée depuis les années ’70. Mais jamais autant de facteurs n’ont été réunis pour augurer du pire. Le montant de la dette américaine a atteint un record absolu, le dollar est à son plus bas niveau historique face au franc suisse et les émissions de nouvelles dettes américaines sont principalement achetées par la banque centrale américaine elle-même.
 
A cela s’ajoutent des critiques sans précédent des autres banques centrales, créant un front hostile à la politique monétaire américaine. Le Japon, qui est créancier des Etats-Unis à hauteur de 1.000 milliards de dollars, pourrait réclamer une partie de ces liquidités pour sa reconstruction. Et le régime des pétrodollars n’est plus garanti par l’Arabie saoudite.

swissinfo.ch : Plus que la fin du dollar, vous annoncez donc la chute de la superpuissance économique américaine. Mais les Etats-Unis ne sont-ils pas trop grands pour faire faillite ?

M.Z. : Tout le monde a intérêt à ce que les Etats-Unis se maintiennent et le déni va se poursuivre encore un moment. Mais pas indéfiniment. Personne ne pourra sauver les Américains en dernier ressort. Ce sont eux qui vont porter le coût de leur faillite. Une très longue période d’austérité s’annonce. Elle a d’ailleurs déjà commencé. Quarante-cinq millions d’Américains ont perdu leur logement, 20% de la population est sorti du circuit économique et ne consomme plus et un tiers d’Etats américains sont en quasi faillite. Plus personne n'investit de fonds propres dans ce pays. Tout repose uniquement sur la dette.

swissinfo.ch : Vous affirmez que l’affaiblissement de la zone euro ne représente rien de moins qu’une question de sécurité nationale pour les Etats-Unis. N’est-on pas entré dans une sorte de paranoïa anti-américaine ?

M.Z. : Nous aimons tous l’Amérique et nous préférons voir le monde en rose. Pourtant, après la fin de la Guerre froide et la création de l’euro en 1999, une guerre économique s’est enclenchée. L’offre concurrente d’une dette souveraine solide dans une monnaie forte risquait de faire baisser la demande pour la dette américaine. Mais les Etats-Unis ne peuvent cesser de s’endetter. Cette dette leur a permis de financer les guerres en Irak et en Afghanistan et d’assurer leur hégémonie. Ils en ont un besoin vital.
 
En 2008, l’euro était une monnaie prise extrêmement au sérieux par l’OPEP, les fonds souverains et les banques centrales. Elle était en passe de détrôner le dollar. Et cela, les Etats-Unis ont voulu l’empêcher à tout prix. Le monde cherche un endroit sûr où déposer ses excédents, et l’Europe est activement empêchée d’apparaître comme cet endroit sûr. C’est précisément à ce moment que les fonds spéculatifs se sont attaqués à la dette souveraine de certains Etats européens.

swissinfo.ch : Qu’adviendra-t-il après la chute annoncée du dollar ?

M.Z. : L’Europe est aujourd’hui la plus grande puissance économique et elle dispose d’une monnaie de référence solide. Contrairement aux Etats-Unis, c’est un bloc en expansion. Sur le continent asiatique, le Yuan va devenir la monnaie de référence. La Chine est le meilleur allié de l’Europe. Elle a d’une part intérêt à soutenir un euro fort pour diversifier ses placements. D’autre part, elle a besoin d’un allié comme l’Europe au sein de l’OMC et du G20 pour éviter de devoir réévaluer rapidement sa monnaie. Aujourd’hui, l’Europe et la Chine agissent comme deux forces de gravitation qui attirent dans leur orbite les anciens alliés des Etats-Unis : le Japon et l’Angleterre.

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 En quelques phrases

Dollar. « S’agissant du dollar, on a plus affaire à une croyance, à une foi de type religieux qu’à des arguments économiques et rationnels. »
 
Dette. « La croissance économique à l’américaine est un acte de volonté qui consiste à émettre de la dette de qualité hautement spéculative, et de convaincre le monde qu’elle a une valeur AAA (qualité de risque maximale, sans aucun risque). »
 
Guerre. « Les Etats-Unis ayant perdu du terrain économique sous l’effet de la globalisation, ils ont eu recours à l’usage de la force politique et militaire, le dollar étant une affaire de sécurité nationale. »
 
Propagande. « La panoplie de tactiques utilisées par Washington, digne de L’art de la guerre de Sun Tzu, n’est autre que celle des guerres classiques : intimidation, bluff, marketing mensonger (terme poli désignant la propagande). Et, surtout, manœuvres de diversion. »
 
Interventionnisme. « Les Etats-Unis ont cédé à une forme avancée de capitalisme de connivence, dans lequel l’Etat mène une politique d’interventionnisme systématique qui fausse le jeu économique au sens large pour favoriser exclusivement les intérêts de l’oligarchie financière. »
 
Spéculation. « Jamais les banques et fonds spéculatifs n’ont à ce point dicté la valeur des obligations d’Etat sur les marchés financiers mondiaux. Et jamais les gouvernements des pays les plus vulnérables n’ont été à ce point à leur merci. Les spéculateurs ont tout simplement le pouvoir d’évincer un petit pays hors du marché des capitaux. »
 
Bulle. « La politique de la Fed a précipité, depuis 2001, les Etats-Unis dans une spirale infernale de booms et de busts : une économie de bulles, maintenue sous anabolisants, où les phases de dégonflement succèdent aux phases de regonflement. »
 
Euro. « La stratégie a fonctionné, en particulier grâce au tapage médiatique assuré par les médias autour de ce qu’ils désignaient volontiers comme « la crise de l’euro » plutôt que la crise grecque ou irlandaise. »
 
Extraits du livre de Myret Zaki, La fin du dollar, Editions Favre, 2011

Source : Swinssinfo